REINE, ROI et DAUPHIN...
PRINCESSES et PRINCES...
1. Qui a commandé La Chasse à la licorne ?
La thèse de James Rorimer (directeur des Cloisters dès 1949, puis conservateur du Metropolitan Museum of Art de New York) parue en 1942 me paraît convaincante pour l'identification du couple qui accueille la licorne morte dans la sixième tapisserie : Anne de Bretagne et Louis XII. Mais je ne le suivrai pas quand il écrit que les cinq tapisseries centrales de La Chasse à la licorne ont été tissées pour Anne de Bretagne à l'occasion de son mariage avec Louis XII le 8 Janvier 1499. Trois jours après la mort de son époux, le principe du mariage avec Louis XII est acquis, à la condition que Louis obtienne avant un an l'annulation de son mariage avec Jeanne, la fille de Louis XI. Ce mariage a donc été quelque peu précipité : neuf mois séparent la mort accidentelle de Charles VIII à 27 ans le 7 avril 1498 et le second mariage d'Anne. Et l'on sait que plusieurs années sont nécessaires pour dessiner et tisser une telle série de tapisseries. Il faut sans aucun doute rechercher un autre motif pour cette création. La Chasse à la licorne est selon moi une uvre de longue haleine dont le dessein était de célébrer la famille royale des Valois régnante à travers le millénaire du baptême de Clovis (499-1499), un événement important dans les légendes chrétiennes fondatrices de la monarchie française. Histoire généalogique des Rois de France, depuis les origines jusqu'à Louis XII [1501], traduite du français (fol. 4 r°) par Johann von Morssheim (fol. 2 r°) et dédiée au roi de France. BnF, Département des manuscrits, Allemand 84. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52000978v/f145.planchecontact En
ces années, le légendaire Pharamond était considéré
comme le premier roi de France, rédacteur présumé de la loi
salique (les femmes et les filles étaient écartées définitivement
du pouvoir royal). Mais, pour tous, le vrai fondateur de la monarchie était
Clovis, archétype de tous les rois de France, qui fut qualifié de
saint à la fin du Moyen Âge, acquérant alors certains des
attributs de sainteté : les miracles et le pouvoir d'intercession. Un
tel projet demande des années de préparation pour que la tenture
soit prête à temps. Tous les membres de la famille royale des Valois devaient donc être rassemblés sur cette l'ultime tapisserie pour la "photo souvenir". L'artiste s'arrange donc, avec brio, pour qu'apparaissent au premier plan les souverains Louis XII et Anne de Bretagne (et le dauphin derrière eux qui marque tant d'amitié au chien), tout en accordant à la famille de Beaujeu une place de choix, visible de loin : Anne de France, Pierre de Bourbon, voire Charles de Montpensier, sous l'arche éclatante de "La Porte dorée" et Suzanne à l'extrême droite, place privilégiée. Compte
tenu du temps nécessaire pour le tissage, il est possible que la dernière
tapisserie ait subi quelques retouches rendues obligatoires par la mort subite
de Charles VIII. Louis XI (roi de
1461 à 1483) est-il à l'origine de cette commande qui devait être
achevée pour 1499 ? Peut-être est-ce Charles VIII, sous la houlette
de sa sur Anne de France, qui a concrétisé une idée
mûrie par leur père. Anne de France a dû s'investir beaucoup
dans ce projet et a peut-être eu l'idée, après leur création,
d'utiliser les tapisseries comme supports pédagogiques et mnémotechniques,
pour l'éducation des princes et princesses royales qui lui étaient
confiés. Dans son intention
encyclopédique, la tenture évoque tous les faits, divins, légendaires
et historiques, qui sont alors connus en ce royaume de France et qu'un futur roi,
qu'une future reine, se doit de connaître pour gouverner son pays, voire
le "monde ". Les différents "récits" sont évoqués quasiment toujours dans l'ordre chronologique et dans l'ordre des tapisseries. Ces évocations tissées visaient la connaissance et la mémorisation de faits historiques : apprendre à savoir organiser sa mémoire, et conséquemment, savoir penser. Puis le livre imprimé apporta à la mémoire un soutien différent, plus personnel et plus accessible. De plus, à la suite d'Humanistes comme Érasme, on préféra classer ses idées selon un ordre déductif, rationnel, plutôt que selon un ordre fixé dans l'imagination. "L'art de la mémoire ", si longtemps cultivé, finit par disparaître. |
Revoyons tout, point par point...
2. Le couple " royal " au premier plan 2.1. Les lettres A et Э
Les arguments de James Rorimer sont à retenir. Le couple de lettres A-Э liées par une cordelière permet une première identification. Il est distribué ainsi : cinq fois (un dans chaque coin et un au centre) dans les tapisseries 1, 2, 3 (+ le couple F-R en haut au centre) et 4 [ dans la tapisserie incomplète 5 : un couple en haut à gauche et la lettre A incomplète au centre ]
un couple manquant en bas à gauche Sur les colliers de certains chiens, peuvent apparaître la lettre A seule avec des blasons, les lettres A-E à l'endroit et A-Э inversé
Jean Poyer, Livre d'heures d'Anne de Bretagne, 1492-1495 Les dessins qui bordent les pages des Petites Heures d'Anne de Bretagne peuvent-elles confirmer la présence d'Anne de Bretagne ? Horae ad usum Rothomagensen, dites Petites Heures d’Anne de Bretagne L'artiste joue ici avec les lettres A, N, Є et Э, (Є et Э rigoureusement identiques mais inversées) qu'il agence dans des décors tous plus beaux les uns que les autres. Ce pouvait être un jeu pour lui de déguiser lettres et personnages, jouer avec les plusieurs sens possibles d’un élément. S'y mêlent, avec parfois des lacs d'amour, les emblèmes dynastiques bretons dont Anne de Bretagne a hérité de ses prédécesseurs ducs de Bretagne : l'hermine passante (de Jean IV, 1345-1399) et la cordelière (de François Ier, 1414-1450 ; corde à nœuds, la ceinture des robes de bure des frères franciscains en hommage à son saint patron François d'Assise). D’autres maisons proches des Franciscains ont employée la cordelière, comme celle des Savoie. À la dévotion envers le saint italien, Anne de Bretagne y ajoute le souvenir des cordes qui auraient lié le Christ pendant la Passion.
Les deux Є sont reliés par un trait oblique et forment ainsi la lettre N. Deux A peuvent se deviner dans ce N. Le prénom ANNE peut alors se lire. L'ordre de l’Hermine est un ordre de chevalerie fondé en 1381 par Jean IV, duc de Bretagne. Sa devise est : « À ma vie, comme j’ay dit ». L'ordre de la Cordelière ou ordre des Dames chevalières de la Cordelière est un ordre de chevalerie créé en 1498 par Anne de Bretagne. Sa devise était : « J'ay le corps délié ». La cordelière apparaît aussi dans les familles de Savoie et de Clèves, puis d'Orléans. Anne
de Bretagne fit usage aussi du blason semé de mouchetures d'hermine,
dit en héraldique française " bannière d'hermine plain
" (hérité de Jean III), de son chiffre, la lettre A couronnée,
de la devise Non mudera (je ne changerai pas), et d'une forme particulière
de la cordelière paternelle, nouée en 8. Ses emblèmes furent
joints dans la décoration de ses châteaux et manuscrits avec ceux
de ses maris : l'épée enflammée pour Charles VIII et le porc-épic
pour Louis XII. * * * * * * * J’avance une hypothèse sur ce topos introduit ici dans un contexte matrimonial et dynastique :
* * * * * * *
Roger Rodière, note lue sur les tapisseries de la Licorne de Verteuil, Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1916, p. 310-311. " Dans l'une des tapisseries [n°1 : le départ de la chasse], celle qui est placée dans le corridor proche du salon, le collier d'un chien de chasse (dans le coin en bas, à la droite du spectateur) porte un écusson écartelé : 1 et 4, fascé d'or et d'azur, à trois annelets de gueules brochant sur les deux premières fasces ; 2 et 3, d'or à trois maillets de gueules. Ce sont les armes, très caractéristiques et impossibles à confondre avec d'autres, de la maison de La Viefville, en Picardie et en Artois, écartelées de Mailly-Lorsignol. Jean, sire et baron de La Viefville, seigneur de Blessy, vicomte d'Aire, gouverneur et capitaine général d'Artois en 1328, épousa Marie de Mailly, dame de Nédon, fille de Jean, chevalier, et d'Isabeau d'Haveskerque. Marie étant l'héritière de sa branche, ses descendants écartelèrent ses armes.
Je dois dire, d'ailleurs, que je n'ai pas trouvé jusqu'ici au XVe siècle, dans la généalogie de La Viefville, deux époux aux initiales A E. Mais l'histoire de cette vieille maison féodale est bien mal connue. Ce qui est certain, c'est que la dernière descendante de la branche aînée des La Viefville, Marie, épousa avant le 17 février 1453 Antoine, dit le Grand Bâtard de Bourgogne, fils naturel de Philippe le Bon ; ce prince, fastueux et magnifique comme son père, est très capable d'avoir commandé les belles tapisseries qui nous occupent. Il est vrai que ses armes, à lui, ne s'y trouvent pas. Mais elles ont pu disparaître dans quelque restauration. Rien n'empêche, d'ailleurs, de supposer que les La Rochefoucauld aient fait supprimer, lorsqu'ils ont acquis ces tapisseries, les armoiries étrangères à leur maison. Le collier de chien, à cause de son exiguïté, aurait passé inaperçu. Bref, je ne prétends nullement trancher la question, mais il était utile de verser au dossier des tapisseries de Verteuil la mention du collier aux armes de La Viefville et de Mailly, détail que personne n'avait encore signalé. " Armes des Viefville : "Fascé d'or et d'azur de huit pièces et trois annelets de gueules posés en chef brochant sur les deux premières fasces". Armes
des Mailly:
"D'or à trois maillets de sinople". Devise : " HOGNE QUI
VOURA " = " Gronde qui voudra " Armes
de Philippe de Bourgogne : Armes
de Steenvoorde : |
2.2. La reine : Anne de Bretagne Jean
Bourdichon - Les Grandes Heures d'Anne de Bretagne Voir aussi : Anne de Bretagne, d'après Jean Perréal : http://www.portrait-renaissance.fr/Actualites/Expositions/expositions_terminees.html
Mais n'est-elle pas trop âgée et son visage paraît bien 'étroit' par rapport à celui d'Anne de Bretagne à 22 ans. L'artiste l'a-t-il 'vieillie' volontairement (de même que l'enfant) pour évoquer une progéniture mâle vivante, apte à assurer la successsion sur le trône ? Certains la reconnaissent aussi au tombeau de François II duc de Bretagne à Nantes, sous le traits de Justice, coiffée d'une couronne fleurdelysée, les bras recouverts d'une armure, richement et noblement habillée, son surcot ouvert semé d'hermines. (Le surcot se compose le plus souvent d'un corsage sans manches, très découpé, sur lequel se détache une rangée de boutons orfévrés, et d'une ample jupe traînante. La richesse du tissu, sa décoration et sa longue traîne lui donnent son caractère somptueux.)
L'écureuil
apporte lui aussi sa petite graine à l'édifice des preuves : sur
la fameuse tapisserie de Mazarin qui est maintenant dans la collection Joseph Widener à la National Gallery of Art de Washington, Anne, assise au côté
de Charles VIII, tient en son giron un écureuil et la cordelière
est présente. Mariée à Charles en 1491, Anne est alors âgée
de quatorze ans. Alexandre Lenoir écrit en 1819 qu'il y a un autre portrait
de la reine avec un écureuil. (Emile Gabory, "Iconographie d'Anne de Bretagne", Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et de la Loire-Inférieure, vol. LXXVI (1937), pp 93-103. Vingt-six portraits sont mentionnés.) (Description d'une tapisserie rare et curieuse faite à Bruges, représentante, sous des formes allégoriques, le mariage du Roi de France Charles VIII, avec la Princesse Anne de Bretagne (Paris). Cette tapisserie est très similaire dans le style et dans certains détails à la Chute et la Rédemption de l'homme, tapisserie donnée au Metropolitan Museum en 1917 par Oliver Payne. La tapisserie Mazarin est attribuée à Jan van Room ; la tapisserie au Metropolitan Museum lui est aussi attribuée sur la base d'une inscription, ROEM.) Э Nous avons traversé la vie ainsi que chiffres enlacés Aragon, Le Fou d'Elsa, 1963 |
2.3. Le roi : Louis XII
Pour identifier Louis XII, James Rorimer retient son nez pointu, les plis de son menton, la coupe de ses cheveux et ses longs doigts. Les couleurs de ses vêtements sont pour l'auteur une preuve convaincante : le roi porte un bonnet blanc, une robe ou courte tunique rouge et des bas rayés rouge et blanc. Après son mariage avec Anne, Louis a ajouté la couleur blanche à ses couleurs, le rouge et le jaune, et il utilisait souvent le rouge et le blanc exclusivement. Dans les tapisseries, certains chasseurs portent les couleurs de Louis sur leurs chausses rouge et blanc. Les cinq tapisseries centrales, à en juger par un petit fragment de la bordure d'origine, étaient encadrées avec deux bandes étroites, l'une blanche et l'autre rouge. En dehors de ces bordures, il y avait une bande bleue (bleu gris) plus large, la couleur traditionnelle de la royauté en France. Les cordelières utilisées pour lier les initiales A et E dans les cinq tapisseries centrales sont également en rouge et blanc (argent). Louis d'Orléans est déclaré roi de France le 8 avril 1498, sous le nom de Louis XII. Louis XII (1462 1515) La présence de Saint Louis (Louis IX) dans cette tapisserie est un argument supplémentaire pour reconnaître Louis XII dans le roi qui accueille la licorne et le pèlerin. (Voir plus loin) |
2.4. Pavillons et drapeaux Les pavillons ou drapeaux qui flottent au-dessus des bâtiments des tapisseries apportent leur pertinence à la démonstration. La croix noire de Bretagne est représentée sur un champ blanc (argent) ou sur un champ jaune et or. James Rorimer reconnaît le porc-épic de Louis XII, rouge, dressé sur le fond blanc (argent) d'un drapeau. À l'extrême droite de la sixième tapisserie, deux fanions portent selon lui les couleurs de Louis, le rouge et le blanc. D'autres drapeaux dans cette tapisserie sont rouge et blanc (argent) et rouge et jaune. Tapisseries 3 et 6 Est-ce la croix noire des Bretons qui "double finalement le message de l'hermine" choisie seule depuis 1364 ? Croix que Jean IV * choisira car il ne veut ni la croix blanche de Saint-Michel de la France ni la croix rouge de Saint-Georges des Anglais. * [Jean IV, dit Jean le Conquéreur ou Jean le Vaillant, né en 1339, mort le 9 novembre 1399 à Nantes, fils de Jean de Montfort et de Jeanne de Flandre, duc de Bretagne de 1345 à 1364 en compétition avec Charles de Blois, puis seul duc de 1364 à 1399, comte de Richemont et comte de Montfort de 1345à 1399] http://fr.wikipedia.org/wiki/Drapeau_de_la_Bretagne
http://www.histoire-fr.com/valois_charles7_4.htm Une
croix qui " l'identifie comme autorité autonome [
] la croix
noire est bien d'abord le signe de l'identité politique du duc avant d'être
celui d'un peuple. Les circonstances vont pourtant faire progressivement évoluer
ce signe vers une marque d'identité nationale. " (Laurent Hablot,
La Croix noire des Bretons : un signe d'identité politique à
travers l'histoire, p.57q, in Signes et couleurs des identités politiques
du Moyen Âge
à nos jours, Presses Universitaires de Rennes, 2008). Dans le dernier
tiers du 15ème siècle, la croix noire distingue bien les combatttants
bretons. Le
navire amiral de la flotte bretonne, La Cordelière, armé
aux frais d'Anne de Bretagne vers 1496, et coulé en rade de Brest en 1512
par le navire anglais le Regent, présente sur une illustration de
l'époque " différents signes d'identité de l'autorité
ducale, un signe féodal : l'écu herminé, un signe personnel
et curial : la cordelière, un signe militaire et national : la croix noire.
" Anne de Bretagne créa un Ordre féminin personnel : " la Cordelière ". Cet Ordre, qui existait au titre de la Chevalerie, avait été imaginé par François II, très dévôt à saint François d'Assise, d'après la cordelière des Franciscains. Anne en fit son Ordre personnel ; elle le féminisa et le décerna elle-même aux Dames et Demoiselles qui lui en paraissaient les plus dignes. Très convoité, l'insigne était un magnifique bijou : la plaque d'or assez large dite 'gorgery' se portait au cou, fermée d'une double lettre entrelacée et émaillée de rouge et de blanc, - chaque lettre entourée d'une cordelière tressée et émaillée de noir avec d'élégantes ciselures. La plaque personnelle de la Reine était faite de trente-deux doubles AA romains. La plus belle, après celle de la souveraine, composée de doubles SS et de doubles ZZ, avait été attribuée à Mademoiselle de Montsoreau.
D'autres détails sont à signaler pour parfaire cette identification. Dans la troisième tapisserie, deux colliers de chiens possèdent des fleurs de lys, les emblèmes royaux. Dans la quatrième tapisserie, deux inscriptions sont importantes. Sur un fourreau, se lit la formule de salutation à la Vierge Marie, Reine des Cieux : "AVE REGINA C[OELORUM]". La référence à Anne apparaît évidente.
Sur le col du chien debout à la droite du même chasseur, se lit la formule de salutation au roi : "O F[R]ANC[ORUM] RE[X]".
Anne de Bretagne, par son prénom, est
liée à la mère de Marie et à son petit-fils Jésus
si l'on en croit la légende chrétienne. Anne est présente
deux fois. Dans la cinquième tapisserie, dont seulement deux fragments
ont survécu, Anne peut être identifiée avec la jeune fille/femme
qui capture la licorne et dont il ne reste à contempler que ses doigts
de la main droite et le manchon qui habille le bras ; le manchon est fait du même
brocart que la robe portée par la dame du château dans la sixième
tapisserie qui représente sans aucun doute Anne. On pourrait faire valoir
que le veuvage d'Anne empêche son identification avec la jeune fille qui
capture la licorne, mais ces considérations ne sont plus de mises à
la fin du Moyen Age. A cette époque, comme à la Renaissance, la
licorne est associée au mariage ainsi qu'à la virginité.
Regardons cette association Anne de Bretagne/Vierge Marie comme une connotation
flatteuse à l'égard de cette reine qui retrouve sa virginité
après un premier mariage. L'aura religieuse de sainte Vierge attribuée à Anne de Bretagne se fait encore plus précise par la présence du monogramme du Christ, "IHS ", sur le collier du chien situé devant le chasseur sonnant du cor dans le premier fragment de la cinquième tapisserie. Ce chasseur est-il l'archange Gabriel de l'Annonciation et de l'Incarnation du Christ ? |
2.5. Qui est ce "dauphin" ? (de 13 ans environ)
Charles VIII meurt en 1498, sans enfant. Louis d'Orléans est déclaré roi de France le 8 avril 1498, sous le nom de Louis XII. Il meurt le 1er janvier 1515 sans fils pouvant lui succéder. Des sept enfants issus de son mariage avec Anne de Bretagne, seules survivront Claude de France (mariée à François d'Angoulême, le futur François 1er) et Renée qui deviendra duchesse de Ferrare.
Son visage est-il celui d'un enfant ou d'un adolescent ? Un neveu de Charlemagne, Orlando, s'étant conduit glorieusement dans la Calabre de François de Paule (cf. L’Arioste, Le Roland furieux), ce dernier souhaita que le dauphin nouveau-né s'appelât Orlando. Protestation des Beaujeu ! Orlando devint Charles-Orland ! Double prénom chargé de symboles : Charles comme son père et Charlemagne, premier empereur franc. Selon La prophétie de 1494 de Jean Michel, le dauphin Charles-Orland était destiné à succéder à son père comme empereur universel. Beaune Colette, « Visionnaire ou politique ? Jean Michel, serviteur de Charles VIII », Journal des savants, 1987, n° 1-2, p. 65-78.https://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_1987_num_1_1_1502 Pour lui enseigner son catéchisme, Anne de Bretagne a commandé à Jean Poyer un Livre d’Heures dont la dernière enluminure représente le dauphin de trois ans adolescent, comme pour conjurer sa mort. Il prie à genoux devant le trône vide qui l’attend et sur lequel il ne montera jamais. Jean Poyer, Livre d'heures d'Anne de Bretagne, 1492-1495 Il en est de même dans La Chasse. Si le jeune dauphin est François, cela permettrait de dater la tapisserie 6 de La Chasse à la licorne de 1503 pour le dessin du couple et de l'enfant. Considérer que l'enfant est Charles-Orland reviendrait à reconnaître dans le roi Charles VIII et à dater cette tapisserie aux alentours de 1495. Cf. Marion Boudon-Machuel et Pascale Charron, Le tombeau des enfants de Charles VIII et d’Anne de Bretagne : https://tombeau-cathedrale-tours.univ-tours.fr/#Menu_d'accueil Le laurier, le chêne et l'illet de France Le laurier, symbole du triomphe héroïque et de force éclatante signifiant que "l'or y est". Le chêne, symbole de majesté, de puissance, de sagesse et de longévité. L'illet, considéré à la Cour comme la fleur de France (voir Mary qui défait sa couronne de reine de France dans la tapisserie L'Odorat de La Dame à la licorne).
Cette
image se retrouve page 161 du livre d'Eugène MÜNTZ, La Tapisserie
(Picard et Kaan, Paris, vers 1890) Une
scène assez semblable. Les maternités d'Anne de Bretagne : Le 15 novembre 1491, Anne de Bretagne épouse Charles VIII. De son mariage avec Charles VIII, elle a porté 6 enfants : Charles-Orland de France
(10 octobre 1492 - 16 décembre 1495, de la rougeole). Le dauphin Charles-Orland, 1494, Louvre Peut-on attribuer ce portrait à Jean Perréal (plutôt qu'à Jean Hey ou Jean Bourdichon) si l'on suit les propos d'Yvonne Labande-Mailfert au sujet de la traversée de l'Italie par l'armée française pour une entrée de Charles VIII dans Naples le 22 février 1495 ? « Le roi n’oublie pas sa famille. Il écrit assez souvent à son beau-frère le duc de Bourbon. Il pense à son fils, pour lequel il a conquis ce royaume et dont il reçoit fréquemment des nouvelles, car une poste spéciale a été établie avec Amboise. Pour une maladie de l’enfant " il n’a jamais été de bonne humeur qu’il ne l’ait su guéri ". Guillaume de Boisy le rassurera bientôt. En mai le portrait de Charles-Orland lui sera apporté par Jean de Paris. » (Y. Labande-Mailfert, Charles VIII, Fayard, 1986, p. 308)
elle perd un enfant mâle à deux mois de son terme en août 1493 Tombeau
des enfants d'Anne de Bretagne et de Charles VIII
Des 7 enfants issus de son mariage avec Louis XII, seules survécurent Claude
et Renée :
Jean Clouet - Renée de France - musée Condé - Chantilly le 21 janvier 1512, elle accouche d'un garçon qui ne vit que quelques jours
" En Italie, à partir de 1490 surtout, les princes aimaient pouvoir prendre conseil de prophétesses, qui sont des " saintes vivantes ", religieuses cloîtrées favorisées de visions ou même de stigmatisées. En France, cette fonction était assumée par François de Paule qui était resté au Plessis après la mort de Louis XI pour continuer sa mission de pacificateur et d'intermédiaire entre le Saint-Siège et un royaume de France jugé trop gallican. Il était pour le jeune roi Charles un protecteur et un père spirituel qui lui indiquait où était la volonté de Dieu, qu'il s'agisse de la restitution du Roussillon, de la paix en Bretagne, de la réforme de l'Eglise ou du combat contre les Turcs dont il avait ressenti en Calabre l'urgente nécessité. N'était-ce pas lui du reste qui, en octobre 1492, avait fait donner au dauphin le nom stupéfiant de Charles-Orland combinant le souvenir de Charlemagne et celui de Roland, le paladin italianisé, héros de la guerre contre les Sarrasins ? " p. 185
Dans des uvres peintes où Anne de Bretagne apparaît, les tailles des adultes et des enfants ne tiennent pas compte de la "réalité". Les preuves seront les images suivantes pour la plupart extraites du livre de Didier Le Fur, Anne de Bretagne (éditions Guénégaud, 2000) où les artistes présentent le fils d'Anne de Bretagne et de Louis XII, François, mort à l'âge de 2 mois, avec une taille d'enfant.
Le "caractère" d'Anne de Bretagne En
1492, l'ambassadeur vénitien Zaccaria Contarini décrit la jeune
Anne de Bretagne ainsi : " La reine a 17 ans, elle est petite de taille,
fluette et elle boite visiblement d'une jambe bien qu'elle porte des chaussures
à haut talon pour cacher sa difformité. Elle a le teint foncé
et elle est assez jolie. Sa finesse d'esprit est remarquable pour son âge
et une fois qu'elle a décidé de faire quelque chose, elle s'efforce
d'y parvenir à n'importe quel moyen et à n'importe quel prix. "
En vieillissant, si ses traits physiques n'ont pas évolué, sa personnalité
s'est affirmée. P. Lacroix écrit (Louis XII et Anne de Bretagne, Chronique de France, 1822) que la religiosité d'Anne de Bretagne était teinte de superstition comme ses contemporains. Elle croyait en un Dieu vengeur et coléreux, juge qui conmptabilise les bonnes et mauvaises actions. "Elle était préoccupée de cette triste idée que l'excommunication fulminée par le pape contre le roi l'empêcherait d'avoir un fils." De Roy note (Histoire d'Anne de Bretagne, reine de France, éd. Mame, 1877) : "Depuis ses dernières couches (octobre 1510), sa santé ne s'était pas rétablie et elle croyait que c'était elle qui était punie ainsi des offenses faites par son mari au Saint Siège." Georges
Minois (Anne de Bretagne, Fayard, 1999 - pages 422sq) la juge "
femme autoritaire, dure, rancunière et sans humour " ; " Elle
affirme son rang avec hauteur, face à Anne de Beaujeu comme face à
Louise de Savoie. " Il écrit aussi : " Hautaine, cassante, antipathique,
Anne est d'un abord rébarbatif, même si elle sait se montrer agréable.
" " La reine n'est certainement pas gracieuse. Pas le moindre sourire
sur ce visage austère, un peu crispé dans une dignité défensive.
" Et Philippe Tourault (Anne de Bretagne, Perrin, 1990) note p.289 : " Ce que l'on remarque tout de suite c'est son air glacial et hautain, qui met mal à l'aise courtisans et quémandeurs. En cela, son aspect extérieur a peu changé : d'altière et fière au temps de Charles VIII, elle est devenue plus figée, plus hiératique ; naturellement, et pour impressionner. " Ce portrait moral me paraît se retrouver sur le visage et l'attitude de la Reine de La Chasse. Le visage allongé, s'il n'est pas ressemblant à celui que nous connaissons d'Anne de Bretagne, rappelle celui qu'un artiste (Georges Bordonove pense à Jean Perréal) lui a donné sur son lit de mort. |
2.6. D'autres souverains
tapisserie 1 : François 1er James Rorimer rapporte que Paul Sachs, de l'Université de Harvard lui a suggéré que le jeune homme au centre de la première tapisserie ressemblait à François 1er. Il porte les couleurs royales de France, rouge, blanc, et bleu (ses chausses sont blanches au-dessous du genou et rayées bleu et blanc au-dessus), et les deux hommes qui l'accompagnent portent les couleurs rouge, ocre (jaune), et bleu. Peut-être pourrait-on reconnaître qui sont ces nobles, à leurs visages si scrupuleusement dessinés qu'ils paraissent de vrais portraits ou aux couleurs de leurs vêtements, de leurs plumes. détail sur le front du roi central James Rorimer pense que cette première tapisserie a pu être offerte par François 1er à son parrain, François de La Rochefoucauld. Les lettres F-R peuvent signifier : François de La Rochefoucauld ou Franciscus Rex. Selon le même critique, les tapisseries 1 et 7, plus tardives, ont été ajoutées à la tenture quand François 1er a épousé Claude de France.
tapisserie 2 : Pharamond ou Clovis ?
tapisserie 3 : Louis XI porte-t-il le collier de l'ordre de Saint-Michel, comme Louis XII ?
tapisserie 4 : Charles d'Orléans (Musée des Arts Décoratifs)
tapisserie 6 : Louis IX dit Saint Louis
2.7. Le pèlerin Le chasseur qui le représente parmi les apôtres dans la seconde tapisserie de La Chasse à la licorne porte son épieu sur l'épaule identifiable au bâton du jacquet en route vers Saint-Jacques-de-Compostelle et sa main droite touche la fontaine au niveau d'une tête de lion sculptée sur la fontaine évoquant la coquille Saint-Jacques. Des fontaines, d'où naissent parfois des ruisseaux, sont élevées à l'invocation du saint, protecteur des eaux. La marche vers l'ouest est assimilée à une marche vers la mort que suit une renaissance dont la coquille est le symbole. Notre " pèlerin " suit un cours d'eau qui peut rappeler la Loire au bord de laquelle résident les rois et dont une grande partie du cours est alors placée sous la protection du saint. Il arrive devant le couple royal, après un long "cheminement", en même temps que la licorne morte. Selon la légende, saint Jacques est reconnu comme passeur des âmes, Charlemagne lui devrait sa place au Paradis, et il tient du Christ un pouvoir de résurrection, ce qui le rapproche du dieu Hermès, dieu des voyageurs : le chemin de Compostelle promet le Paradis au pèlerin.
En 1372, Charles V constitue une rente pour que six messes quotidiennes soient célébrées et des cierges allumés dans une chapelle de la cathédrale de Compostelle nommée dès lors " chapelle des rois de France ". Ce sont aussi les désirs de pèlerinage non accomplis d'Alphonse de Poitiers, frère de Louis IX, de Blanche de Castille, sa mère, et de Louis XI. des pèlerinages par jacquets délégués dans des buts de dévotion et de diplomatie. des voyages personnels comme celui de Louis VII d'octobre 1154 à janvier 1155, seul roi à se rendre à Compostelle, de Marie d'Anjou, la mère de Louis XI, en 1463, qui, officiellement, va s'assurer que le vu des rois de France d'entretenir les cierges allumés dans la chapelle des rois de France était exécuté. Avait-elle un autre but ? Un but diplomatique ? La malheureuse, partie en novembre a dû prendre froid car elle mourut au retour, près de Parthenay. Trois ans plus tard, en 1466, c'est la tante du roi qui part à Compostelle, Marguerite de Savoie, comtesse de Wurtenberg. de magnifiques dons comme ceux de Louis XI : une forteresse en argent en 1447, des sommes importantes en 1456 et 1461 et la fonte de trois grosses cloches offertes à la cathédrale en 1483 ; don encore de Marie de Clèves, la mère de Louis XII, qui en 1470, après la mort de son époux Charles d'Orléans, délègue un pèlerin chargé d'offrir en ex-voto un cur d'or enrichi d'un saphir, d'un rubis et d'une émeraude. Ce cur suspendu par une chaîne d'or, supportait à son extrémité inférieure un petit écusson émaillé sur deux faces, aux armes ducales. (BNF, ms. lat. 17059, pièce n° 182) Peu après 1457, un frère prêcheur de Bois, Jean Beauson, pèlerine pour elle. En 1481, Esteban de Buduys est chargé d'une forte somme d'argent " destinée aux trois messes quotidiennes chantées à la chapelle des rois de France, et en 1483, deux autres bourgeois accompagnent l'envoyé de Louis XI pour organiser la fonte des cloches qu'il offre à la cathédrale. " (Denise Péricard-Méa, op. cit., p. 218) Le 9 février 1942, lors de l'entrée dans Paris de la reine Anne de Bretagne, les confrères de saint Jacques présentent un tableau vivant : un comédien jouant Charlemagne sur un cheval accueille la reine : " Après ces choses faictes en telle manière, derrière lad. porte aux paintres emprès Saint-Jacques de l'Ospital avoir ung personnage représentant le roy Charlemaine monté sur ung grand ceval, lequel pouvoit bien avoir de haulteur environ 15 pieds et gros à l'avenant de sa haulteur, couvert de couvertures escartelées la moictié des armes du roy et l'aultre moictié de hermines. Et la représentation du dit Charlemaine povoit avoir environ une lance de haulteur, assez membru et fourny selonc sa haulteur, tenant en sa main destre une épée nue, grande et large selonc la grandeur dud. personnage et en l'aultre main la pomme ronde â la croix dessus. Led. personnage couronné en estat réal et sur le hault de sa couronne une croix d'or signefiant que en son temps il submist et mist en son obéissance la plus grande partie du monde. Ainsy estoit ced. roy monté sur ce cheval couvert de bougheran parsemé de fleur de lis, lequel salua lad. royne en luy faisant une belle arragne (harangue) à sa joyeuse venue, Et en cest estat chemina devant la noble dame depuis la porte aux paintres jusques â Nostre-Dame de Paris, ayant Jacquets devant et derrière, habillés de meisme conduisant luy et son cheval. Et derrière luy estoient aultres gens menans après eux les uns ung oliphant et les aultres chamel, yceulx f.aints et couvers de couvertures jointes au plus près de la pel que doivent telles bestes porter. Lesquelles bestes estoient en ce point menées par grosses kaines tissées et dorées dont les mailles estoient rondes et grandes .. " (Jean Nicolai, Couronnement entrée de la royne de France en la ville de Paris BnF, ms. fr. 24052, éd. anonyme Bulletin de la Société de l'histoire de France, t. X, 1845-1846, p. 117-118.) Pour Denise Péricard-Méa, cette " fiction " désire rappeler à Anne de Bretagne qu'elle " entre dans la lignée prestigieuse des rois de France descendants de l'empereur ". " Rien dans le choix du sujet n'a été laissé au hasard. Les confrères honorent la reine en lui rappelant le lien privilégié qu'ils entretiennent avec elle par l'intermédiaire de Charlemagne, elle qui entre dans la lignée prestigieuse des rois de Rance descendants de l'empereur. Le personnage à cheval représenté conformément aux descriptions d'Eginhard n'est pas un personnage statique puisqu'il prend la parole. Les confrères montrent ainsi à la reine combien ils entretiennent la mémoire de celui qui fut le premier pèlerin de Compostelle. La représentation se prolonge au-delà de la porte de l'hôpital puisque Charlemagne, entouré de ses pèlerins-confrères, ouvre le chemin à la reine, comme si les grands bourgeois de Paris remettaient en son nom les clefs de la ville à la nouvelle reine. Au-delà de la fiction les bourgeois marquent leur puissance en s'affichant comme les égaux des nobles compagnons de Charlemagne. " (p. 149) (Denise Péricard-Méa, Compostelle et cultes de saint Jacques au Moyen Âge, Paris, 2000, p. 148-149 et 208. Et Denise Péricard-Méa et Louis Mollaret, Dictionnaire de saint Jacques et Compostelle, Paris, 2006.) A Arras en
1516, lors de la visite de Charles Quint, les confrères de Saint-Jacques
construisent " un beau hourt... où estoit la prise de Grenade en plusieurs
chapitres ", nouvelle assimilation à la chevalerie, comme si les confrères
avaient participé en personne à cette conquête. Si
Charlemagne est un pèlerin mythique quoiqu'en dise la légende
narrée par la chronique dite de Turpin puis Pseudo-Turpin, écrite
vers 1119 et non au IXe siècle par l'archevêque de Reims, selon laquelle
Charlemagne, Roland et des chevaliers français partent au nom de saint
Jacques délivrer l'Espagne , il " a réellement lancé
d'authentiques pèlerins sur le chemin de Compostelle. Les lignages nobles
du XVe siècle savent ainsi qu'ils sont les descendants des compagnons de
Charlemagne. " (p. 208) Dans le cadre d'une "lecture" alchimique féconde de cette tenture, il faudrait citer le nom du philosophe catalan, théologien et missionnaire franciscain, Raymond Lulle qui écrit dans sa Vie être allé à Compostelle et à qui furent attribués dès 1370 de nombreux ouvrages alchimiques, et celui de Nicolas Flamel - 1330-1418 - qui prétend s'y être rendu et en être revenu avec le secret de la transmutation des métaux en or.
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Combien
d'andouillers, de pointes et d'épois au total aux bois du cerf ? Y
lire les règnes des rois ?
tapisserie 7 : le Christ, roi des Cieux L'ultime
licorne se tient dans la même position que le cerf : James
Rorimer, "The Unicorn tapestries were
made for Anne of Brittany". Dans The Metropolitan Museum of Art Bulletin,
Summer 1942, New York. https://libmma.contentdm.oclc.org/digital/collection/p15324coll10/id/125473/
|
3. Le couple au second plan, sous l'arche
3.1. Anne de France "
Rien d'irréversible ni d'irrémédiable ne fut entrepris du
vivant de la fille de Louis XI. " Pierre
Pradel Comment l'artiste pouvait-il représenter Anne de France (de Beaujeu, de Bourbon) dans une des tapisseries de La Chasse ? Quels exemples iconographiques avait-il en sa mémoire, dans ses carnets, sous ses yeux ? Il
lui fallait peut-être "passer" par sainte Anne, la grand-mère
de Jésus et s'inspirer des événements de sa vie :
Anne est représentée avec sa fille Marie et son petit-fils Jésus
(scène appelée Sainte Famille et la grand-mère prend alors
le nom de sainte Anne trinitaire) Quelle représentation conserver ? Le baiser, bien sûr, par quoi tout commença ! Et qui pour André Grabar (Les voies de la création en iconographie chrétienne, Flammarion, 1979, pp. 119-120) est une scène d'accouplement et de procréation :
Voici quelques " baisers " à la Porte Dorée :
Le Maître de Moulins, vers 1500 Charlemagne et la rencontre de sainte Anne et saint Joachim à la Porte Dorée National Gallery - Londres Premier panneau du polyptyque
La Vie de la Vierge (en six panneaux) Manifestement,
l'imagier suit les Evangiles apocryphes L'histoire est inspirée du proto-évangile de Jacques et de la Légende dorée (Legenda aurea) de Jacques de Voragine. Joachim et Anne, après vingt ans de mariage, n'avaient toujours pas d'enfant. Un jour, Joachim présente ses offrandes devant l'autel de Yahvé à Jérusalem. Il demande l'enfant espéré, mais le prêtre le chasse du temple avec indignation : cet homme infécond a sur lui le signe de la malédiction. Joachim se réfugie auprès de bergers, dans le désert. Un ange lui apparaît et lui annonce que son épouse va mettre au monde un enfant qu'ils devront appeler Marie. L'ange prévient aussi Anne. Joachim rentre à Jérusalem : les peintures ci-dessus illustre le moment de leur rencontre. Anne est " miraculeusement " enceinte de Marie. Ils s'aiment, ils s'embrassent. - - - - - - - - - - -
De même, on peut supposer que le dessein du Dieu chrétien était de " faire " d'Anne et de Marie les procréatrices du Messie-Roi tant attendu ! Anne engendre et élève Marie pour que naisse, sans qu'elle le sache encore, Jésus. Ce que la tapisserie 6 évoque en un double " mouvement " analogique. En " jouant " sur le prénom commun aux deux généalogies, l'une légendaire, l'autre historique : Anne. Devant : le couple royal régnant. A côté gauche : le dauphin (mort ? à naître !). Derrière : des princesses prêtes à régner ou ayant été régentes : Suzanne, Louise de Savoie (et son " César "-François qui attend son heure ?), Anne de France et Pierre de Bourbon. - - - - - - - - - - - Anne
de France a élevé : son jeune frère Charles à la mort de leur père Louis XI : il avait alors 13 ans. Louise de Savoie : née en 1476, fille de Philippe, duc de Savoie, dit "sans Terre" et de Marguerite de Bourbon. En 1483, à la mort de sa mère, avec son petit frère Philibert, elle est confiée, à l'âge de 7 ans, à sa tante, Anne de Beaujeu. En 1490, à 14 ans, elle épouse Charles d'Orléans, comte d'Angoulême, dont elle a deux enfants : Marguerite d'Angoulême (grand-mère d'Henri IV) et François Ier. Marguerite d'Autriche : née en 1480, conduite à Amboise en 1483, à l'âge de 3 ans, fiancée promise au dauphin de 10 ans son aîné, le futur Charles VIII. Mais en 1491, pour des raisons politiques, il la renvoie avec sa dot à son père et épouse Anne de Bretagne. Marguerite appelait Anne de France " ma bonne tante " car Anne était en effet sa grand-tante par alliance. Sa propre fille Suzanne : née en 1491. Diane de Poitiers : née en 1499 ou en 1500, fille unique de Jean de Poitiers, vicomte d'Estoile, seigneur de Saint-Vallier, et de Jeanne de Batarnay. Orpheline de mère à six ans, elle passa ses jeunes années auprès d'Anne de Beaujeu. Elle fut la favorite du roi de France Henri II pendant plus de 20 ans. En 1515, âgée d'à peine quinze ans, elle épouse Louis de Brézé, son aîné de près de 40 ans, petit-fils de Charles VII et d'Agnès Sorel. Elle aura deux filles : Françoise et Louise Anne de France leur apportera une éducation soignée, entourée de beaucoup d'égards, de tendresse et de soins. Elle aura une influence des plus importantes pour leur avenir.
Anne de Bretagne : née
en 1477. Sa mère, Marguerite de Foix meurt en 1486 ; et son père,
François II de Bretagne en 1488. Par son mariage avec Charles VIII en 1491,
elle est reine de France. Elle fut placée par Louis XII auprès de Mary Tudor, sa troisième épouse, " pour l'instruire des façons de France ". " Ce qui ne l'empêchait pas de préparer l'union dont elle rêvait, par des voies assez tortueuses. A peine Charles de Montpensier lui est-il rendu qu'elle engage son action. Marillac nous signale qu'assouvissant ses instincts d'éducatrice, elle fit initier son filleul un peu au latin, beaucoup à l'équitation, à la chasse et au jeu de l'arc " où il estoit enclin ". Mais c'est encore plus au jeu de l'intrigue qu'elle entreprit de l'exercer. A quatorze ans, le malheureux se voit entraîné dans la chicane. Pendant plus de vingt-trois années encore c'est-à-dire toute sa vie il y demeurera. " Pierre Pradel, Anne de France, 1461-1522, Publisud, 1986, p. 181. ------------------------- Un
article où tout est dit sur le rôle " d'enseignante " d'Anne
de France :
En
1517, lors de la grossesse de Suzanne, le frère prêcheur Pierre Martin,
confesseur d'Anne de France, prépare un Traité de l'érudition
et de l'enseignement des enfants des nobles destiné à Suzanne.
Il y souligne la réputation de la maison de Bourbon, centre d'éducation
fort prisé par la noblesse : " est rumeur commune que la maison de
Bourbon est une des singulieres de toute chretienté pour bien norrir et
instruire en bonnes meurs, vertus et devocion, pudicité et toute honnesteté,
les enfans des nobles, soient hommes ou femmes. Car c'est une escolle de vertu
et de perfection et ou plusieurs nobles desirent leurs enfans estre norriz "
(Érudition, fo 4vo - prologue adressé à Suzanne). Ce que confirme Brantôme dont la grand-mère avait été élevée avec Anne de France, la " tutrice de roy ", " toujours accompaignée de grand'quantité de Dames et de filles qu'elle nourrissoit fort vertueusement et sagement. " Il écrit dans son Recueil des Dames, poésies et tombeaux : " n'y a guieres heu Dames et filles de grand'maison de son temps qui n'ayt appris leçon d'elle, estant allors la maison de Bourbon l'une des grandes et splendides de la Chrestienté " (I, VI : " Discours sur mesdames, filles de la noble maison de France ", p. 167sq). - - - - - - - - - - - 3.2. La famille Bourbon dans la tapisserie 6 de La Chasse
3.2.1. Anne de France et Pierre de Bourbon
Pierre II de Bourbon s'apprête à embrasser son épouse Anne de France sous l'arcade de " la Porte Dorée ".
Pierre de Bourbon est traité plus " humblement ", non pas parce qu'il est mort, mais parce qu'il se doit de s'effacer devant sa femme, la fille de Louis XI. Il est présenté sans emphase, comme dans la miniature suivante : frontispice
des Statuts de l'ordre de Saint-Michel Sa mort en 1503 peut nous aider à dater la tenture de La Chasse.
initiales
de Pierre et Anne de Beaujeu
James J. Rorimer reconnaît Anne de France dans une tapisserie qu'il a lui-même nommée La Glorification de Charles VIII en 1953 puis confirmée en 1963, une tapisserie dessinée par Jan van Roome et probablement commandée par Maximilien en l'honneur de son gendre Charles VIII, fiancé à sa fille Marguerite depuis 1482, tapisserie où selon Rorimer Charles VIII apparaît cinq fois. https://www.jstor.org/stable/3257546 Cette tapisserie d'origine flamande, tissée vers 1490 peut-être à Bruxelles, est actuellement aux Cloisters. Si l'hypothèse de James Rorimer est exacte, Anne de France, âgée de vingt-neuf ans en 1490, est encore régente du royaume. En 1491, Charles, à vingt-et-un ans, renonce à son mariage avec Marguerite d'Autriche et épouse Anne de Bretagne, mariée par procuration à Maximilien, le père de Marguerite. Dans cette tapisserie, Anne de Beaujeu, portant la couronne d'une princesse royale et l'hermine royale, est représentée montant les marches du trône de son frère. |
3.2.2. Leur fille Suzanne (ou Susanne) de Bourbon
Sous
sa robe, se découvre une jupe noire. Est-ce la marque d'un deuil ? Celui
de son père, mort dans son château de Moulins le 10 octobre 1503
? Regardez
Suzanne (Suse-Anne) ! Elle semble bien jeune. Sa coiffe porte des pierres précieuses
! A son cou, un collier avec un médaillon. On sait qu'Anne de France était
très attentive au devenir de Suzanne, sa seule enfant. Elle semble avoir
tenu à ce que Suzanne soit présentée comme une princesse
dans une image à caractère dynastique. Comme elle le fut dans le
Triptyque de Moulins. Elle est la dernière personne dans " l'espace " des tapisseries. A l'extrême droite. Où s'achève toute lecture occidentale. Elle clôt la longue litanie des personnages qui se sont succédés depuis la première tapisserie ! Dans cette tapisserie, Anne de France ne porte rien de luxueux : vêtements, bijoux
La famille de Beaujeu " au complet " dans ce vitrail de la cathédrale de Moulins ? Anne
de France et Pierre de Beaujeu ont eu deux enfants : Charles de Bourbon (1476-1498)
et Suzanne (1491-1521). - - - - - - - - - - - Suzanne est un prénom féminin d'origine biblique dérivé de l'hébreu " Shoshannnah " (signifiant à la fois " lys " et " rose "). Ce terme vient lui-même de " shoshan ou shoushan " (lys), mais aussi de " Shoushan ", la ville de Suse. Suse ou Shushan est une ancienne cité de la civilisation élamite, devenue au Ve siècle av. n.è. la capitale de l'Empire perse achéménide, située dans le sud de l'actuel Iran et ne présente plus aujourd'hui qu'un champ de ruines. La petite ville iranienne de Shush, construite à proximité, a pris sa continuité. Dans
l'Ancien Testament, ce prénom apparaît dans un additif grec
du Livre de Daniel, au 13e chapitre, dans la Vulgate (" de liberatione
castae Susannae ", "de la libération de la chaste Suzanne").
L'histoire de Suzanne et les vieillards se déroule en Babylonie. Une jeune
femme, Suzanne, surprise pendant son bain, refuse les propositions malhonnêtes
de deux vieillards qui, par vengeance, l'accusent d'adultère et la font
condamner à mort par le tribunal religieux. Mais le jeune prophète
Daniel survient, prouve son innocence et fait condamner les vieillards. Dans
le Nouveau Testament, Suzanne est l'une des femmes qui suivent et assistent
Jésus dans ses déplacements :
(il semble que la coiffe noire de l'homme à gauche soit un ajout postérieur : couleur uniforme, texture différente et d'apparence neuve) Une leçon morale de la part de la mère et du père à leur fille Suzanne de rester vierge jusqu'au mariage, à l'image de la Suzanne biblique, pieuse et chaste. " Son honneur ! " Avertie avant son mariage en 1505 par les Enseignements de sa mère (p. 1 et p. 127), Suzanne connaît la fragilité de " son honneur " car " ne peult estre si peu quassé ou effacé, que jamais on y trouve réparation digne à y satisfaire ". C'était sans doute aussi une leçon qui s'adressait aux autres "élèves" " d'Anne de France. Cette
" thématique de la souillure et de la pureté du corps "
à l'uvre dans Les Enseignements est analysée par Éliane
Viennot dans l'article suivant : Sur
ce même thème, lire à la page suivante le chapitre Quels
lourds secrets dans la Tour ? Sur
la même tapisserie, en deux scènes contiguës, pourraient être
mis en liaison directe le rappel de " l'affaire de la Tour de Nesle "
et la présence d'Anne de France et de sa fille Suzanne. " Adultère
" dans la Tour et " Fidélité " sous la Porte Dorée.
Une " leçon " présentée dans Les enseignements
d'Anne de France, duchesse de Bourbonnais et d'Auvergne, à sa fille Susanne
de Bourbon : " Prenons les épisodes de l'Ancien Testament que je viens de citer [Noé tenant dans son arche, Daniel entre les lions, Suzanne à côté des vieillards, archétypes de la foi et de la délivrance]. Ils reviennent ensemble dans la prière, aussi bien à la synagogue qu'à l'église, comme exemples d'interventions divines pour soustraire le fidèle à la mort. Les spécialistes expliquent le choix de ces sujets dans les peintures des catacombes et les sculptures des sarcophages par leur relation avec l'idée de délivrance. Mais un théologien
de l'Église grecque contemporain des uvres, Hippolyte de Rome, interprétait
l'histoire de Suzanne d'une tout autre façon, plus complexe, suivant la
tendance exégétique de l'époque. Suzanne, écrit-il,
est l'Église persécutée ; son mari, Joachim, est le Christ
; leur jardin est la société des saints, qui sont autant d'arbres
fruitiers ; Babylone, qui cerne le jardin, est le monde où vivent les chrétiens
; les deux vieillards sont les deux peuples, juif et païen, ennemis de l'Église
; le bain de Suzanne est celui du Baptême, qui régénère
l'Église au jour de Pâques ; les deux servantes sont la Foi et la
Charité ; les parfums dont elles oignent le corps de leur maîtresse
sont les commandements du Verbe ; l'huile, enfin, est la grâce de l'Esprit
Saint, et particulièrement celle que confère la confirmation. Tournons-nous maintenant vers les représentations de Suzanne et des vieillards dans les catacombes. En général, on n'y voit que ces trois personnages sur un fond nu ; aucun des autres éléments de l'histoire, telle qu'elle est contée dans le Livre de Daniel, n'y figure. Dans un cas, Suzanne se trouve remplacée par un agneau, et les vieillards par deux loups flanqués de la légende " seniores ". Les loups sont une métaphore qui peut avoir un sens théologique, car on qualifiait de " loups " les hérétiques. Mais on peut les envisager ici du point de vue des Évangiles, comme une figure du mal (Matthieu, 10, 16) et, connaissant d'autres exemples de scènes bibliques interprétées par des acteurs animaux, on s'en tiendra sans mal à la lecture courante de cette image métaphorique comme d'un symbole de délivrance. On ne peut exclure, toutefois, qu'elle ait eu d'autres sens pour les chrétiens de l'époque. " Meyer Schapiro, Les mots et les images. Sémiotique du langage visuel, 1996, Macula, 2000, traduit de l'américain par Pierre Alferi, p. 32-33.
Allégorie de Suzanne entre les deux vieillards - cimetière de Prétextat - Rome
"
L'agneau est dès l'origine et restera le symbole chrétien par excellence.
La place importante qu'il tient dans le langage biblique suffit à expliquer
son adoption par les premiers chrétiens comme un des symboles les plus
parfaits du Sauveur. L'agneau sans tache que les Hébreux mangent le jour
de la Pâque est déjà la figure du Messie. [
] Une des
plus anciennes représentations de l'agneau figure sur une fresque du cimetière
de Domitilla (fin du 1er siècle).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Suzanne_(pr%C3%A9nom) http://fr.wikipedia.org/wiki/Suzanne_et_les_vieillards http://www.lechampdumidrash.net/articles.php?lng=fr&pg=68 http://bible.catholique.org/livre-de-daniel/4869-chapitre-13 - - - - - - - - - - - Les
deux uvres écrites par Anne de France, Les Enseignements à
ma fille Suzanne et L'Histoire du siège de Brest, livrent la
clef de sa carrière politique presque toute entière placée
sous le signe de la dissimulation. Comme le dit Jules Michelet, Anne de France
semble avoir "mis autant de soin à cacher le pouvoir que d'autres
se mettent à le montrer". Ses contemporains avaient déjà
le même sentiment. Éliane
Viennot a analysé cette "dissimulation" dans son article Gouverner
masqués où elle rappelle les travaux des historiens passés
qui ont mis en évidence le rôle politique du couple Beaujeu. Elle
rappelle que Louis XI "avait pris ses précautions pour qu'en cas de
malheur sa fille et son gendre demeurent aux commandes de l'Etat, eux qui le secondaient
depuis une décennie pour l'un, quelques années pour l'autre".
L'étude attentive des "lettres" de Charles VIII permet d'écrire
que les principaux conseillers du jeune roi Charles VIII sont avant tout Anne
et Pierre de Beaujeu-Bourbon. Lors de l'expédition d'Italie, Pierre a été
désigné "lieutenant du roy en son royaume" et la ville
de Moulins est alors devenue capitale administrative. De
plus, note Éliane Viennot, Charles VIII ne cesse d'y séjourner durant
toute la fin de son règne : "le roi
aimait sa sur et vécut
pratiquement toute sa vie avec elle à partir de 1483". C'est dire
le rôle essentiel des Bourbon dans le règne de Charles VIII. "Cet
effacement, qui ne repose en réalité que sur l'extrême discrétion
d'Anne à partir de 1492", "ce retrait du devant de la scène
de celle que le peuple appelait "Madame la Grant" semble autant le produit
de sa très grande intelligence politique que d'une décision commune
au groupe dirigeant." Retrouvons cette "extrême discrétion" dans un lieu un peu écarté, mais très visible, sous la "Porte Dorée" de la sixième tapisserie de La Chasse à la licorne.
Anne de France, Enseignements à sa fille, suivis de l'Histoire du siège de Brest, Edition Tatiana Clavier et Éliane Viennot, Publications de l'Université de Saint-Etienne, 2006. Viennot,
Éliane, Publications de l'Université de Saint-Etienne, 2006. |
3.2.3. Le mari de Suzanne : Charles de Montpensier ?
Le " complexe de l'occiput " est à l'uvre dans cette scène. Ainsi que dans la tapisserie 2 (La Fontaine), un personnage est situé juste derrière un autre plus " important " et son regard fixe sa nuque comme pour traverser le cerveau et resurgir par les yeux. Ici, l'homme à la toque jaune pourrait être Charles de Montpensier, futur Charles III de Bourbon et connétable de Bourbon. Anne de France fut aussi pour lui un mentor, une " directrice de conscience ", qui lui a " ouvert les yeux ". Il a appris à " voir le monde par ses yeux ". |
3.2.4. Qui est ce 4ème personnage ?
Le quatrième personnage dont on ne voit que le sommet du crâne et un il (l'il du peintre) pourrait être Jean Perréal que je pense être le créateur de La Chasse à la Licorne et de La Dame à la Licorne. Il fut le peintre officiel de Charles VIII, Louis XII et François 1er et il doit une grande part de sa carrière à la protection d'Anne de France qui l'invita à sa cour de Moulins. Ce serait pour lui une manière de rendre hommage à "son mentor", à celle qui l'a initié. L'artiste, selon moi, est aussi présent par le chien (perro-réal = chien royal ; perro signifie chien en espagnol) que salue le dauphin. |
3.2.5. Les emblèmes de la famille Bourbon
Les 3 " Vertus " ont leur place aussi : Foi, Charité et Espérance 1. " Espérance " L'Ordre
de l'Écu d'Or, à la double devise : " Allen " et "
Espérance ", fut institué par Louis II, duc de Bourbon, le
1er Janvier 1369, à son retour d'Angleterre, où il fut sept ans
l'un des otages du Roi Jean. Lors de la paix de Brétigny de 1360, il avait
été désigné comme l'un des otages pour garantir le
traité. "
Plusieurs auteurs ont mis en doute l'existence de cet ordre et pensent que le
bijou était simplement une pièce de plaisir que Louis II distribua
aux seigneurs de sa cour à l'occasion du 1er janvier. " (wikipédia) Louis
II de Bourbon (1337-1410), duc de Bourbon, baron de Combrailles, comte de Forez,
surnommé le "Bon duc", était le fils de Pierre 1er et
d'Isabelle de Valois. Il épousa Anne d'Auvergne, comtesse de Forez. Il
combattit les Anglais, sous les ordres de Du Guesclin. Il mourut en 1410 au château
de Montluçon.
La
ceinture est présente :
Le
soubassement de pierre blanche est orné d'écussons des Bourbons
sur une tapisserie (vers 1470-1476) aux armes de Charles II de Bourbon (1433-1488),
archevêque de Lyon (1444-1488), que nous connaissons par une aquarelle exécutée
pour François Roger de Gaignières. (BNF - Ms Pc 18 fol.15) Les
mots "Espérance" sur les ceintures voisinent avec la triple
inscription " venena pello - je chasse le venin "
sur les édifices de la ville de Moulins
sur le cadre doré du triptyque du Maître de Moulins, en bas au centre
sur un vitrail de Saint-Bonnet-le-Château
La "ceinture" portant la devise est-elle à chercher dans les brins inférieurs du " lacs d'amour " en haut à droite de la tapisserie 7 (celle de Résurrection) qui dessinent un cercle, uniquement dans cette tapisserie ? Sur
la façade du palais ducal de Moulins peuvent se lire de nombreuses références
aux Bourbons :
Il semble que Pierre II de Beaujeu (1439-1503) ait introduit la figure du cerf volant dans l'emblématique de la maison de Bourbon en l'associant à la ceinture où se déploie le mot " Espérance ", emblème représentant l'Ordre d'Espérance, ordre militaire créé par le duc Louis II de Bourbon après 1366.
1-
relief en bois polychromé commémorant le mariage d'Anne et de Pierre
en 1473 2.
" Charité " C'était
la devise de François de Paule que Louis XI, le père d'Anne de France,
fit venir auprès de lui en avril 1482 pour que ses prières le guérissent.
Après la mort de Louis XI en avril 1483, il va rester près de vingt-cinq
ans à la Cour de France, sous la protection de Charles VIII et de Louis
XII.
Marguerite de Foix (née après 1458, morte en 1486 à Nantes), la mère d'Anne de Bretagne, est-elle représentée ici ? " Est-ce trop ? Peut-être ! " ajoute, humblement, Howard - - - - - - - - - - - Une anamorphose ?
Cet élément énigmatique
pourrait être une anamorphose, comme il en existe une selon moi au sommet
de la tente de la tapisserie Mon seul désir de La Dame à
la licorne. Les premières anamorphoses sont dues à Léonard
de Vinci : un visage d'enfant et un il (Codex Atlanticus, 1485). La tête d'un chien qui émerge de la végétation ? La signature ultime du Perro-Réal ? Qui reste le Maître de sa Création ! Le Grand Architecte de son microcosme ! James Rorimer explique la disparition de tout blason ou autre marque royale sur les cinq tapisseries centrales qui à l'origine étaient accrochées ensemble comme une série (la première et la dernière tapisseries étaient accrochées dans une pièce différente) dans le château ancestral de la famille La Rochefoucauld à Verteuil. Un acte de 1793, envoyé à la Société populaire de Verteuil par la Société populaire de Ruffec, a ordonné que toutes les tapisseries portant des insignes royaux soient détruites. Ainsi s'expliqueraient la coupe au sommet des tapisseries et la difficulté de toute identification. Auraient
disparu :
- - - - - - - - - - - Le groupe des trois femmes
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4. Reste à expliquer l'appartenance de la tenture à la famille de La Rochefoucauld
Achat ou don postérieur puis ajout des lettres cousues F-R ?
Le château de VERTEUIL en Charente où séjourna La Chasse à la licorne |
5. Le roi
Marie-Louise von Franz, L'Ombre et le mal dans les contes de fées, Louis
XII " remplace " le Christ mort, et attend son dauphin pour que la chaîne
continue. " L'archétype du roi peut signifier la fécondité et la puissance d'une ethnie ou d'une nation ou, au contraire, le vieux monarque tyrannique qui étouffe toute vie nouvelle et qui, par conséquent, devra être déposé. " p. 58.
" La figure archétypique du roi qui doit être tué rituellement pour renaître est une allusion à l'inévitable vieillissement de tout principe conscient qui doit périodiquement se renouveler pour que ne s'arrêtent pas l'évolution psychique et la vie. " p. 394.
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6. Le couple alchimique qui couronne le Grand uvre ou des personnages historiques ?
Le Soufre et le Mercure, principes mâle et femelle, étaient symbolisés par un homme et une femme, souvent un roi et une reine. Leur
union constituait le Mariage Philosophique.
Les couleurs blanc et rouge des bas du roi se sont vues attribueés plusieurs explications : ce sont les couleurs de Louis XII elles sont les couleurs du mercure (candor et rubor) assimilé au matrimonium donc à la conjunctio elles correspondent aux deux phases alchimiques l'albedo et la rubedo elles renvoient à un passage du Cantique des Cantiques (V,10) : "Dilectus meus candidus et rubicundus : mon bien-aimé est blanc et rouge."
derrière les barreaux de la cellule qui évoque le matras clos alchimique : Le couple alchimique veut s'accoupler pour engendrer un fils, un " roi " ? Il pourrait s'agir du couple royal Anne de Bretagne Louis XII désirant un fils. recueil de citations alchimiques extraites de manuscrits du 15e siècle.
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Bourbon |