Ses signatures calligraphiées

 

 

Il nous est parvenu de lui 9 lettres parmi une correspondance qui fut certainement très abondante : une de Milan le 14 novembre 1499 à François de Gonzague, marquis de Mantoue, atteste sa présence en Italie. Les huit autres (de 1509 à 1512) à Marguerite d'Autriche ou à Louis Barangier, son secrétaire, au sujet des travaux du monastère royal de Brou.

 

Son sceau 

 

Ses trois dernières lettres connues, conservées dans le fonds de la Chambre des Comptes de Lille aux Archives du Nord portent au dos son sceau plaqué sur papier, fait d'une très petite intaille antique, ovale, avec un personnage nu, debout.

Elles sont de 1512, datées de Blois et adressées : à Louis Barangier, le 20 mars ; à Marguerite d'Autriche, le 20 juillet et le 17 octobre.

« Vu leur lieu de conservation ces lettres sont garanties contre toute suspicion ; le filigrane – roue et dauphin – est de type blésois x ; l'écriture, les signatures et les sceaux ont servi de base à nos précédentes argumentations. Dans les deux dernières pièces l'artiste reprend sa signature « Jean de Paris », sans « Perréal ». (Pierre Pradel, "Les autographes de Jean Perréal")

 Mme Laurence Delsaut, des Archives du Nord, m’a communiqué les numérisations des trois lettres de Jean Perréal, présentes dans le fonds de la Chambre des Comptes de Lille ainsi qu’une photographie du sceau les accompagnant. « Elles ne sont pas forcément très bien conservées, surtout celle du mois de mars 1512. L’encre est bien pâle, et elle a été restaurée, par le passé, de façon plus ou moins heureuse ! Le sceau plaqué, sur papier, est minuscule et mesure à peine 1 cm. […] La lettre de mars 1512 est cotée B 18855, pièce 30397 ; celle de juillet, B 18856, pièce 30430 ; et celle d’octobre, Musée 202. » Qu’elle en soit ici remerciée.

 

 

Sa petite taille est habituelle aux intailles antiques. Elle était certainement enchâssée dans une bague en métal précieux.

Son choix par Perréal est important car il m’aide à préciser le « portrait » que je « devine » de l’artiste protée Jehan Perreal de Paris, le peintre de trois rois successifs, d’une reine et d’une princesse régente, celui à qui Léonard de Vinci demandait conseil…

Il a pu la rapporter lui-même d’Italie lors de ses séjours, trouvée, achetée, offerte, et lui être un souvenir de ses chevauchées, de ses rencontres en Italie. Une courte déambulation sur internet m’a permis d’en découvrir quelques-unes, d’origine antique, où l’on voit un personnage nu, dont des dieux gréco-romains que Perréal aurait pu élire comme une représentation de lui-même.

Les lettres, jusqu’à une époque récente, étaient une sorte de miroir de soi-même : la qualité du papier, l’écriture grosse de vos sentiments et de votre personnalité, les mots écrits, l’enveloppe et le timbre qui donnaient la première impression. Perréal se devait de posséder son sceau, de bien le choisir car il était une image, de cire, de lui-même. Un homme, une sorte de dieu créateur, un être d’exception par son art (peintre, architecte, ingénieur, romancier, poète), un voyageur à travers l’Europe occidentale de l’époque… 

 

 

 

Ses signatures 

 

— « La plus ancienne signature de l'artiste que nous connaissions est conservée aux Archives municipales de Lyon, au bas d'une quittance de travaux relatifs à l'entrée de Charles VIII dans la ville, datée du 23 février 1490. La mise en scène lui a été confiée avec l'aide d'une quinzaine d'artistes dont Jean Prévost (peintre verrier), Jean de Saint-Priest (sculpteur), Simon de Phares (astrologue). Dans le libellé, Jean de Paris s'intitule « peintre de Lion » ; sa signature est suivie d'une combinaison graphique assez adroite faite de trois anneaux entrelacés. Signature et dessin se retrouvent dans le même fonds, au terme d'un compte du 26 avril suivant relatif au même événement et sur une quittance du 4 février 1493 donnée par « Jean de Paris peintre habitant de Lyon », pour l'aménagement décoratif de l'entrée du pont de Saône. » (Pierre Pradel, " Les autographes de Jean Perréal ", p. 133)

 

— " La signature est d'écriture nette, élégante, d'expression ferme et volontaire, sans pleins ni traits, tout unie ; une signature d'aristocrate et de lettré. " (René de Maulde de la Clavière (1848-1902), Jean Perréal dit Jean de Paris, peintre de Charles VIII, de Louis XII et de François Ier, Paris, E. Leroux, 1896, p. 9)

 

    — Le sceau de Jean Perréal, plaqué sur papier et cire rouge, porte l'empreinte d'une petite intaille antique, ovale, à figure nue.

 

— Pierre Pradel distingue deux "Jehan de Paris". Il différencie "le peintre Jean de Paris installé à Lyon — qui un jour arborera le nom de Perréal — du Jean de Paris, fourrier de Pierre de Beaujeu..." (p. 134) "Ce n'est pas le même homme qui, à quelques années de distance, put émettre les deux signatures. Nous avons d'une part l'officier des Beaujeu signant D Paris avec un J traversant le D ; et, d'autre part, l'authentique griffe de Perréal dont l'initiale est un véritable entrelacs, où l'on peut retrouver les trois lettres J D et P ; de plus le dessin des lettres " aris " n'est pas le même ici et là ; enfin, la première signature est encadrée et soulignée de paraphes graciles et nerveux, tandis que les documents lyonnais présentent un tracé gras, étudié, sans bavures, bref une authentique signature de décorateur, suivie, comme pour accuser son caractère artistique, de la combinaison savante des trois cercles. " (p. 135)

 

(Pierre Pradel, "Les autographes de Jean Perréal", Bibliothèque de l'école des chartes, 1963, tome 121, p. 132-186.)

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1963_num_121_1_449654

 

  

Signature de Jehan de Paris
fourrier de Pierre de Beaujeu ; 1487
BnF, ms. fr. 20 490, fol. 61

Un J traverse le D de De 

 

Lettre de Jehan de Paris / Jean Perréal à François de Gonzague
1489 - Archivio di Stato – Mantoue

 

https://www.tapisseries-damelicorne-huntunicorn.com/Images/signature%201487.jpg

 

Signature de Jehan de Paris / Jean Perréal

Reçu du 23 février 1490
Archives municipales de Lyon,
CC511, n° 49
Un J traverse le P de Paris

 

*

Je voudrais discuter les propositions de Pierre Pradel qui distingue deux "Jehan de Paris".

Il différencie « le peintre Jean de Paris installé à Lyon — qui un jour arborera le nom de Perréal — du Jean de Paris, fourrier de Pierre de Beaujeu, signataire le 6 octobre 1487 d'une décharge de menus joyaux d'Anne de France, dont la garde lui avait été confiée ; pièce conservée à la Bibliothèque nationale. » (p. 134)

« Ce n'est pas le même homme qui, à quelques années de distance, put émettre les deux signatures. Nous avons d'une part l'officier des Beaujeu signant D Paris avec un J traversant le D ; et, d'autre part, l'authentique griffe de Perréal dont l'initiale est un véritable entrelacs, où l'on peut retrouver les trois lettres J D et P ; de plus le dessin des lettres " aris " n'est pas le même ici et là ; enfin, la première signature est encadrée et soulignée de paraphes graciles et nerveux, tandis que les documents lyonnais présentent un tracé gras, étudié, sans bavures, bref une authentique signature de décorateur, suivie, comme pour accuser son caractère artistique, de la combinaison savante des trois cercles. » (p. 135)

 

*

 

Comparons les trois signatures, dans l’ordre chronologique

 

(1)

1487

J D paris

BnF, ms.fr. 20 490, f. 61  

(2)

1489 Italie

Jehan de paris

p[aintre] d[u] r[oy]

(3)

1490 ou 1493

J D/Paris

Comptes de Lyon

Signature de Jehan de Paris
fourrier de Pierre de Beaujeu
BnF, ms. fr. 20 490, fol. 61
Lettre de Jehan de Paris / Jean Perréal
à François de Gonzague
Archivio di Stato – Mantoue
Signature de Jehan de Paris / Jean Perréal
Archives municipales de Lyon, CC511, n° 49

 

— En (1), « La signature est d'écriture nette, élégante, d'expression ferme et volontaire, sans pleins ni traits, tout unie ; une signature d'aristocrate et de lettré. » (René de Maulde de la Clavière (1848-1902), Jean Perréal dit Jean de Paris, peintre de Charles VIII, de Louis XII et de François Ier, Paris, E. Leroux, 1896, p. 9)

― Le nom « Perreal » n’apparaît pas.

 

― En (2) et (1), les lettres minuscules « p, a, r, i » de « paris » ont le même dessin ; en (1), le « s » semble être le « s » de 2 mais inversé verticalement.

 

― En (1) et (3), le « D » est traversé par la hampe du « J ».

― En (1), le « D » est le « D » de « De » (« de Paris »).

― En (3), le « D » pourrait devenir un « P » avec la hampe du « J » (procédé revendiqué repris dans la dernière lettre de l’inscription de la tente de La Dame à la licorne : un « P » barré qui peut se lire également « R »), assemblage en écho avec les trois cercles entrelacés qui suivent cette signature en (3).

 

Jean Perréal nous en donne lui-même un exemple dans sa dernière lettre à Marguerite d’Autriche du 17 octobre 1512 (Archives du Nord, B 18856, n° 30469 - Musée 202).

 

« avoir perdu l’amour de telle dame »

http://www.archeologie.lyon.fr/static/archives/contenu/Paleographie/vade.pdf

 

Si on suit Pierre Pradel, qui accorde (2) et (3) à Perreal et (1) au fourrier de Charlotte de Savoie, peut-on penser que Jean Perréal ait eu connaissance d’une des signatures (celle de 1487 par exemple) du fourrier d’Anne de Beaujeu et ait voulu trois ans plus tard (1490) en emprunter « l’artifice » du J traversant le P (au risque d’être accusé de rapine) ?

 

En conclusion, je pense que les trois signatures ci-dessus sont du même homme, celui qui choisira, plus tard dans le cours de sa vie, de se nommer Jehan Perreal de Paris.

 

 

Jean Perréal ou la tentation du sabir

par Laurent Vissière

 

« Une lettre entre toutes permet d’exposer de la manière la plus concrète les problèmes éprouvés par un Français en Italie. C’est une missive malheureusement isolée, conservée aux archives de Mantoue, qu’écrivit de sa main le peintre Jean Perréal. L’artiste, qui signe « Jehan de Paris », avait accompagné la cour de France à Milan, durant l’automne 1499, et Louis XII semble l’avoir utilisé comme une sorte d’ambassadeur artistique – il s’agissait de montrer aux Italiens ce qu’on pourrait appeler « la manière de France ».

C’est du moins ce que l’on perçoit en lisant entre les lignes des lettres alors échangées entre les cours de France et de Mantoue. En octobre, Georges d’Amboise négociait avec l’envoyé du marquis pour obtenir un tableau de Mantegna, et dans le même temps, Jean Perréal lui proposait ses services (26 octobre). Tombé malade, le peintre n’en continua pas moins à réitérer ses offres. Quelques jours plus tard, le 14 novembre, il confiait à un autre ambassadeur mantouan, Jacopo d’Atri, une lettre autographe destinée à son maître. Pierre Pradel a proposé une bonne mise au point sur cette affaire, en republiant la lettre de manière correcte.

 

Milan, 14 novembre [1499]. Lettre de Jean Perréal à Francesco Gonzaga

 

A Monsr, Monsr le marquis de Mantoe.

Magnifique et excellentissime P. a la vostre S. S. mi recommando, voy pregando que habeati a perdonnare al vostre servitore Joan di Paris, per que io non habea libre la testa al vostre pleser, et ancque al mio segonde el vostre desiderio, et, M. S., qualque die io deliberato fare cosse meille.

M. S., io reste qui a Millan ung poco tempo per que, se voleti la testa del re, mandate qui lettre et la fero di bonne vollo, per que io pillo pleser a fare service a la vostre M. S., et sence core et amore queste service non se po fare, per que sapiate que io tant amore a la V. M. S., per que voi site patron et amator di li nobilliss[im] e arte di pinture.

M. S., io mi recommando a voi, pregando que mi mandate qualque cosse di belle di li vostre, que tante habeati, a se que meilli mi recorde da voi. Que Dieu voi guarde de mal.

A Millan, a 14 de novembre.

De la main del vostre esclave,

Jehan di Paris, P[eintre] D[u] R[oy].

 

Que peut-on déduire d’une telle lettre ? À première vue, que les Français n’ont jamais eu le sens des langues étrangères. C’est l’idée avancée par Armand Baschet, et reprise par Pierre Pradel, pour qui la présence d’abréviations italiennes et de lettres humanistiques dénoterait un «pédantisme un peu puéril». Cette lettre en sabir, exceptionnelle en soi, expose en réalité, avec une clarté presque caricaturale, les problèmes épistolaires – la langue, l’écriture et le style – qui se posaient à un Français en Italie.

 

Jean Perréal désirait écrire à l’italienne. Il avait dû avoir sous les yeux des lettres, dont il imite la mise en page : les paragraphes sont bien séparés avec des majuscules romaines saillantes. Il a noté qu’en italien, on fait précéder la date de la préposition « a » – d’où la formule « a 14 de novembre ». Il essaie de reproduire les formules de politesse en usage dans les chancelleries de la Péninsule, et emploie donc les adjectifs «magnifique» et «excellentissime», des abréviations comme « S. S. » (Sua Signoria) et «M. S.» (Magnifico Signore/Magnifica Signoria), et il fait précéder sa signature de la formule «de la main del vostre esclave». Malgré sa bonne volonté, le peintre a hésité entre plusieurs méthodes : alors que tout semble traduit mot à mot de français en italien, il a ressenti le curieux besoin de traduire en français des formules idiomatiques italiennes (« de la main del vostre esclave » reprend une expression courante de la chancellerie mantouane : « De V. S. idelissimo servo et schiavo »).

 

En outre, il ne saisit pas bien le sens des abréviations italiennes très courantes, comme « S. S. » et « M. S. » : dans le premier paragraphe, il note « a la vostre S. S. », clairement redondant ; et dans le second, il commence à écrire en français « a la vostre seign… ». Il ne cherche pas à développer en revanche l’abréviation française «P. D. R.» (« peintre du roy »), pourtant incompréhensible pour un Italien. Dans ses efforts pathétiques, le peintre a modifié, plus ou moins consciemment, certaines habitudes graphiques : il utilise des chiffres arabes et imite dans les majuscules initiales l’humanistique italienne. Comme si changer de langue impliquait aussi de changer d’écriture.

 

Francesco Gonzaga et ses secrétaires furent sans doute ahuris par une écriture aussi extraordinaire, mais ce serait une erreur d’étudier cette lettre hors contexte, car, comme on l’a vu, celle-ci avait été annoncée par le représentant du marquis à la cour, Jacopo d’Atri, et transmise à Mantoue avec un mot d’accompagnement. Ce qui montre bien que la missive isolée ne rend pas compte de la véritable pratique épistolaire, où l’on envoyait les lettres

 

L’art de se comprendre 

 

La lettre de Jean Perréal illustre les problèmes essentiels qui se posaient à l’établissement de liens épistolaires entre Français et Italiens. Il convient donc d’étudier comment les épistoliers et leurs secrétaires ont abordé ces difficultés de communication. »

https://www.academia.edu/7775378/Correspondances_et_divergences_t%C3%A2tonnements_%C3%A9pistolaires_%C3%A0_l_occasion_des_premi%C3%A8res_Guerres_d_Italie

Laurent Vissière, « Correspondances et divergences : tâtonnements épistolaires à l’occasion des premières Guerres d’Italie. Jean Perréal ou la tentation du sabir », Les correspondances en Italie 2. Formes, styles et fonctions de l’écriture épistolaire dans les chancelleries italiennes (Ve-XVe siècle), CERM et EFR, 2013, p. 373-376. 

 

 

 

Jehan de Paris fourrier selon Pierre Pradel

 

jusqu’en décembre 1483 : de Charlotte de Savoie

de 1484 à 1490 : de la jeune Marguerite d'Autriche

en 1487 : de Pierre et Anne Beaujeu

 

Arch, nat., KK 69, f. 31, 98 V, 170, 190 v°. — Le valet de chambre de la reine Charlotte touche 120 livres tournois par an ; celui de Marguerite d'Autriche 80 seulement ; mais cette différence peut s'expliquer par le caractère plus simple de l'hôtel de la petite reine de trois ans.

 

« … le Jean de Paris inscrit au chapitre de la fourrière dans le compte de l'argenterie de la jeune Marguerite d'Autriche, femme du Roy Charles VIII » : pour Pierre Pradel, « On doit, en effet, identifier ce personnage, que nous trouverons en charge de 1484 à 1490 pourvu du titre de valet de chambre, avec le Jean de Paris fourrier des Beaujeu en 1487, car il n'est guère raisonnable d'envisager dans le même temps à la Cour de France deux officiers de fourrière portant le même surnom, l'un au service de la reine enfant, l'autre à celui du lieutenant général du royaume.

Ce Jean de Paris venait évidemment de la maison de Charlotte de Savoie, femme de Louis XI ; il figure pour liquidation de sa pension de valet de chambre dans le compte d'argenterie arrêté après la mort de la reine en décembre 1483 ; et c'est alors qu'il passe normalement de la maison de la reine douairière à celle de la reine virtuellement "régnante". »

Jehan de Paris y apparaît entre « Jehan Lointhier, tailleur de robes » et Jehan Pavillon, varlet de chambre » ; il est qualifié de « aussi varlet de chambre » (« aussi », est-ce pour indiquer qu’il exerçait la même fonction que le précédent « valet de chambre » ou bien qu’il accomplissait d’autres tâches, comme « peintre » par exemple).

Alexandre Tuetey, « Inventaire des biens de Charlotte de Savoie », Bibliothèque de l'École des chartes, 1865, n° 26, p. 338-366.

https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1865_num_26_1_446003

https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1865_num_26_1_461997

 

« On rencontre le nom de Jehan de Paris, en 1483, dans la fourrière de la reine Charlotte, femme de Louis XI. Il a le titre de varlet de chambre, & il est là en compagnie de plusieurs artistes : Martin Lailly, libraire ; Anthoine Legru, joueur de luth ; Lambert Dufey, orfèvre, tous aux gages de six vingts livres. » (réf. : Godefroy, Histoire de Charles VIII. Paris, 1684, in-fol., page 366)

 

« Cependant il n'est pas certain que ce soit là notre artiste. Le nom de Jehan de Paris a été porté par d'autres avant lui, sans compter le héros de la Bibliothèque bleue, & celui dont Rabelais a fait dans son Enfer un gresseur de bottes. En 1455, il était déjà parmi les gens & officiers du duc d'Orléans. » (réf. : Les Ducs de Bourgogne, t. III, page 372)

 

« D'un autre côté, on ne le trouve pas sur les listes que nous avons des officiers de la maison de Charles VIII en 1490. M. de Laborde ne l'a pas trouvé non plus dans les comptes de cette époque. » (réf. : La Renaissance, t. I, page 183)

 

« Bien que Jehan de Paris soit considéré avec raison comme l'un des quatre grands peintres primitifs, & mis en parallèle avec Fouquet, Lichtemon & Bourdichon ; bien qu'il soit qualifié du titre de peintre de Charles VIII, & cité comme tel dans les Contes de la reine de Navarre, ce n'est qu'à Lyon qu'on voit commencer sa carrière. »

 

Extraits de : Jules Renouvier, Jehan de Paris, varlet de chambre et peintre ordinaire des rois Charles VIII et Louis XII, Aubry, 1861

https://www.gutenberg.org/files/61458/61458-h/61458-h.htm

 

Le terme de « valet » ne signifie pas que la personne réside à la cour en permanence. C’est une manière de placer certains « serviteurs » dans les comptes des maisons royales ou princières pour pouvoir les rémunérer.

 

Pour exemples :

 

 

Charles-Jules Dufaÿ, Observations sur la correspondance de Jean Perréal, dit de Paris, avec Marguerite d'Autriche concernant l'église de Brou, Milliet-Bottier, 1853.

 

Dans le recensement établi par Alexandra Zvereva des « charges et les rémunérations des artistes d’après les documents conservés par maisons » de 1450 à 1600, Jean Bourdichon et Jean Perréal sont à la fois peintre ordinaire et valet de chambre, et plus tard, peintre et valet de garde-robe extraordinaire.

http://www.portrait-renaissance.fr/Artistes/charges_remunerations.html

 

Qu’appelle-t-on alors « la fourrière » ?

 

« Et, septièmement, l’on trouve la fourrière, dont le nom fait allusion au dépôt de bois au rez-de-chaussée d’une résidence princière. Le terme « fourrière » désigne aussi le personnel rattaché à ce lieu, les fourriers, qui s’occupe, sous la direction des maréchaux des logis, des voyages de la cour, des changements de résidence et du transport du mobilier. Leur tâche consiste surtout à préparer les appartements : ils mettent le mobilier en place, font chauffer les cheminées et les poêles de cuisine. Ils collaborent avec les maréchaux des logis qui veillent à l’équipement des chambres avant de les assigner aux officiers et aux courtisans. Lors des changements de résidence, les meubles et équipements transportés dans des chariots sont déchargés par les portefaix. Une multitude de gens de métiers qualifiés rangent, démontent, recomposent et réparent le mobilier, comme, par exemple, les horlogers, ou les tapissiers, chargés du nettoyage des locaux. »

 

Oliver Mallick, « Au service de la reine. Anne d’Autriche et sa maison (1616-1666), Paris », Cour de France.fr, 2016. Article inédit publié le 3 janvier 2016.

https://cour-de-france.fr/article4211.html

 

 

I-P

 

     

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010060931

 

http://dame-licorne.pagesperso-orange.fr/IMAGES/perreal%208.jpg

 

Vierge à l’enfant entre deux donateurs
(71 x 55 cm).
Ce tableau fut attribué à Perréal par Etienne Bancel qui l'a offert au Louvre en 1884.
Il est désormais attribué au Maître de 1499, un peintre flamand actif à Bruges et à Gand à la fin du XVe siècle.

http://excerpts.numilog.com/books/9782711820368.pdf

Catalogue sommaire illustré des peintures du musée du Louvre
et du musée d'Orsay, Ecole française Annexes et index
Tableaux exclus de l'école française par suite d'un changement
d'attribution :
Perréal, La Vierge, l'Enfant et deux donateurs, Maître de 1499 (éc. flamande) R.F. 2370. 

 

 

 

Le P barré

 

Dans La Chasse à la licorne, Perréal signe en bas à droite de la tapisserie 6 (celle où s’achève l’aventure terrestre de la licorne-Christ, avant celle où la licorne est seule dans l’enclos). Dans La Dame à la licorne, il signe en haut à droite, à la fin de l’inscription de la tapisserie 6 initiale (celle où se clôt l’aventure française de Mary, avant celle où, duchesse-reine douairière, elle est seule) par un P barré et par la présence des deux bichons maltais situés au plus près de Mary. Cette double signature de Jean Perréal, quasi invisible, souligne le caractère secret de la tenture commandée par Antoine Le Viste. Montrer tout en cachant. Seuls le regard vigilant et scrutateur d’un chien et celui accoutumé d’un écrivain juriste peuvent l’appréhender.

 

 

A cette époque, un P dont le pied est barré est une abréviation pour les syllabes « par » ou « per ». La majuscule P, écrite à l’ancienne, peut être confondue avec sa voisine R si une apostille émerge de l’œil de la lettre.

Manière pour l'artiste Jean Perréal de signer ouvertement son œuvre au fronton de la tente de la dernière tapisserie des Cinq Sens, à l'extrême droite de l’inscription.

 

 

Dans cet assemblage extrait du Champ fleury de 1529 de Geoffroy Tory, auquel participa Jean Perréal pour les lettres I et K, lisons le sigle SPQR (abrégé de la devise Senatus populusque romanus signifiant le sénat et le peuple romain) où la lettre R naît du P campé sur une seconde jambe . Son contact avec Léonard de Vinci se révèle dans les dessins d'initiales anthropomorphes, particulièrement de la lettre « I », inspirés de l'Homme de Vitruve. Le titre de l’ouvrage de Toryest révélateur de cette inspiration : Champ fleury. Auquel est contenu l’Art et Science de la deue et vraye Proportion des Lettres Attiques […] proportionnees selon le Corps & Visage humain.

 

. Geoffroy Tory, Champ fleury, Tory/Gourmont, 1529. Chiffres de lettres entrelacées, planche LXXIX.

http://xtf.bvh.univ-ours.fr/xtf/view?docId=tei/B410186201_I65/B410186201_I65_tei.xml

 

 

 

L’acrostiche 

 

La Complainte offerte à François Ier présente peut-être un autoportrait qu’il faut confronter à ceux possibles des pèlerins de La Chasse. Il a posté au prologue, un poème de dix-neuf vers, son identité (JEHAN PERREAL DE PARIS) en figure de bord sous forme d’un acrostiche, en lettres majuscules.

 

19 vers formant en acrostiche IEHAN PERREAL DE PARIS

 

Il avint ung jour que Nature
En disputant a ung souffleur,
Hardiment luy dist : " Creature,
A quoy laisse-tu fruict pour fleur ?
N'as-tu honte de ta folleur ?


Pour Dieu, laisse ta faulceté
Et regarde bien ton erreur.
Raison le veult et Verité :
Renge-toy a subtilité.
Entens bien mon livre et t'y fie :
Autrement, c'est ta pauvreté.
Laisse tout, prens philozophie.


D'aultre part, je te certiffie -
Et me croiz qui suis esperit -


Personne n'est qui verifie
Autre que moy l'avoir escript.
Rien n'est ne fut qui onc le veit :
Je l'ay fait pour toy qui le prens,
Si tu l'entens bien, tu apprens.