On parle de lui en son temps !

 

 

 

Marguerite de Navarre

 

L'Heptaméron, Quatriesme journée, Trente deuxiesme nouvelle - extrait :  

 

« Ainsi s'en alla Bernaige faire sa charge. Et quant il fut retourné devant le Roi son maistre, luy feit tout au long le compte que le prince trouva comme il disoit ; et, en autres choses, ayant parlé de la beaulté de la dame, envoya son painctre, nommé Jehan de Paris, pour luy rapporter ceste dame au vif. Ce qu'il feit après le consentement de son mary, lequel, après longue penitence, pour le desir qu'il avoit d'avoir enfans et pour la pitié qu'il eut de sa femme, qui en si grande humilité recepvoit ceste penitence, il la reprint avecq soy, et en eut depuis beaucoup de beaulx enfans. »

 

« Qu'est devenu ce portrait [celui d'une dame allemande, commandé par Charles VIII, dont parle Marguerite de Navarre dans L'Heptaméron], ainsi que ceux de Philibert de Savoie et des princesse Marguerite de Bourbon et de Marguerite d'Autriche dont parle Michel Colombe dans sa lettre du 3 décembre 1511 ?

Que sont devenus également les tableaux et les nombreux portraits des personnages de la cour de France que peignit Jean Perréal ? Ils ont disparu, hélas ! sans laisser aucune trace, car on ne rencontre le nom de Jehan Perréal dans aucun catalogue ni dans aucune galerie. Le temps les a sans doute dispersés un peu partout, en France, en Angleterre, en Italie, en Autriche et autres lieux, où ils sont sans doute attribués à d'autres peintres, le plus souvent à des peintres flamands, parce que les premières œuvres de Jehan Perréal ont le caractère de cette école qui était à la mode en France à la fin du 15ème siècle. »

écrit Etienne Bancel dans son étude de 1885, page 27, Jehan Perréal dit Jehan de Paris, peintre et valet de chambre des rois Charles VIII, Louis XII et François Ier : Recherches sur sa vie et son œuvre, Paris, H. Launette, 1885.

http://www.archive.org/stream/jehanperralditj00bancgoog/jehanperralditj00bancgoog_djvu.txt

 

 

 

Guillaume Cretin

 

(1460-1525), le met en compagnie des célébrités qu’il appelle, après les muses, au secours de sa verve en défaut dans sa Complainte sur la mort de Guillaume de Bissy, Il s’adresse ainsi à ses amis :


Abbé d’Auton, et maistre Jehan le Maire,
Qui en nostre art etez des plus expers,
Ouvrez l’archet de votre riche aumaire,
Et composez quelque plaincte sommaire
En regrettant l’ami que ores je perds ;
Secourez-moi Bigne et Villebresme,
Jehan de Paris, Marot et de Lavigne.
Je ne puis plus à peine escryre ligne.

 


 

Jean Lemaire de Belges 

 

Jean Lemaire de Belges parle de lui-même puis de Jean Perréal dans La Légende des Vénitiens, éditée à Lyon par Jean de Vingle en 1509.  

Pour Jean Lemaire de Belges, Perréal est le nouveau Zeuxis, le nouvel Apelle. Dans une lettre à l’intention de Claude Thomassin en 1509 qu’il publie en appendice à sa Légende des Vénitiens, il écrit :

Mais vostre bon amy, et mon singulier patron et bienfaiteur, nostre second Zeuxis ou Apelles en peinture, maistre Jean Perreal de Paris, peintre et varlet de chambre ordinaire du Roy, duquel la louenge est perpetuelle et non terminable.

Car de sa main mercuriale il ha satisfait par grant industrie à la curiosité de son office et à la récréation des yeux de sa treschrestienne majesté, en peingnant et représentant à la propre existence, tant artificielle comme naturelle dont il surpasse aujourdhuy tous les citramontains, les citez, villes, chasteaux de la conqueste et l'assiette d'iceulx, la volubilité des fleuves, l'inéqualité des montaignes, la planure du territoire, l'ordre et le désordre de la bataille, l'horreur des gisans en occision sanguinolente, la misérableté des mutilez nageans entre mort et vie, l'effroy des fuyans, l'ardeur et impetuosité des vainqueurs et l'exaltation et hilarité des triomphans.

Et si les images et peintures sont muettes, il les fera parler ou par la sienne propre langue bien exprimant et suaviloquente.

Parquoy à son prochain retour, nous en voyant ses belles œuvres, ou escoutant sa vive voix ferons accroire à nous mesmes avoir esté presens à tout.

 

Propos dithyrambiques d'un ami poète. Malheureusement, aucune de ces œuvres ne paraît nous être parvenue, pour une meilleure connaissance de Perréal.

"Quand à ma petitesse, si elle ny ha esté presentiallement, si les ha elle combatus de ceste plume, ainsi que vous voyez. Sil y eschet loz, grâces en soient à Dieu. Mais vostre bon amy, et mon singulier patron et bienfaiteur nostre second Zeuxis ou Apelles en peinture maistre Jean Perreal de Paris, peintre et varlet de chambre ordinaire du Roy, duquel la louenge est perpétuelle et non terminable : car de sa main Mercuriale il ha satisfait par grant industrie à la curiosité de son office et à la récréation des yeux de sa treschrestienne majesté, en peingnant et représentant à la propre existence, tant artificielle comme naturelle dont il surpasse aujourdhuy tous les citramontains, les Citez, Villes, Chasteaux de la conqueste et l'assiette d'iceulx, la volubilité des fleuves, l'inéqualité des montaignes, la planure du territoire, l'ordre et le désordre de la bataille, l'horreur des gisans en occision sanguinolente, la misérableté des mutilez nageans entre mort et vie, l'effroy des fuyans, l'ardeur et impetuosité des vainqueurs et l'exaltation et hilarité des triomphans ; et si les images et peintures sont muettes, il les fera parler ou par la sienne propre langue bien exprimant et suaviloquente. Parquoy à son prochain retour, nous en voyant ses belles œuvres, ou escoutant sa vive voix ferons accroire à nous mesmes avoir esté presens à tout. "

Est-il l'auteur des illustrations du livre du même Jean Lemaire de Belges, Illustrations de la Gaule et singularités de Troyes, paru en 1510 ?

 

Lettre dédicatoire

 

Jean Le Maire De Belges, treshumble disciple et loingtain imitateur des meilleurs indiciaires et historiographes, au sien tressingulier patron et protecteur maistre jehan perreal de paris, painctre et varlet de chambre ordinaire du roy treschrestien, salut. 

Par les tiennes derrenieres lettres (treschier et honnorable arny) adressées au noble et magnificque seigneur, chevalier, messire Claude Thomassin, capitaine de ceste tresnoble cité lyonnoyse et conservateur des foires d'icelle, j'ay veu et entendu comment nostre premiere epistre de l'Amant Vert a despieça trouvé grace devant les yeulx de la Royne, voire tant qu'elle la ramentoit encoires quelque fois, à la tresgrand felicité et bonne aventure de celui mien si petit (mais tres-joyeux) labeur.  

Dont, comme je feusse prouchain de mettre fin à l'impression du premier livre des Illustrations et Singularitéz, je me suis advisé que ce ne seroit point chose malsëant ne desagrëable aux lecteurs de aussi faire imprimer ladicte epistre, attendu qu'elle est favorisée par l'approbation de ladicte tressouveraine princesse, et encoires y adjouster la seconde, pour estre ensemble publiées soubz la tresheureuse guide et decoration du nom de sa haultesse et majesté tresclere, à la quelle (s'il te plait) pourras faire ung petit et humble present de la lecture du tout, tel qu'il est, comme de ta chose propre mieulx que mienne ; car tout ce peu et tant que j'ay de bien procede de ton amistié, benivolence et avancement. Le tout puissant te conserve longuement heureux et prospere. 

A Lyon le premier jour de Mars, l'an de grace Mil cincq Cens et dix. 

Jean Lemaire de Belges, Les Epîtres de l'Amant Vert, édition de Jean Frappier, Giard et Droz, 1948.

 

 

 

Geoffroy Tory

 

Un dernier témoignage, le plus glorieux, est venu de Geoffroy Tory.  

Quand cet excellent artiste composa son Champfleury, parmi ses lettres à imitation du corps humain, il plaça un I & un K, avec des jambages figurés par un homme les bras & les jambes écartés, dont le dessin lui avait été donné par Perreal.  

" Figure que j'ay faicte, dit-il, après celle que ung mien seigneur & bon amy Jehan Perreal autrement dit Jehan de Paris, varlet de chambre & excellent peintre des rois Charles huitiesme, Louis douziesme & François premier, m'a communiquée & baillée moult bien pourtraicte de sa main. " (Champfleury, à Paris, sur le Petit-Pont, à l'enseigne du Pot-Caffé, in-fol. (1529), p. XXXVI II, v°)

 

 

 

Jean Pèlerin, dit Le Viator ?
Perspective artificielle

 

 

Ο Bons amis, trespassez et vivens,
Grans esperiz, zeusins, appelliens,
Decorans Italie, almaigne et Italie,
Geffelin, paoul et martin de pavye,
Barthelemi fouquet, poyet, copin,
Andre montaigne et d’amyens colin,
Le pelusin, hans fris et leonard,
Hugues, lucas, luc, albert et benard,
Jehan iolis, hans grun et gabriel,
Wastele, urbain et lange micael,
Symon du mans : Dyamans, margarites,
Rubiz, saphirs, smaragdes, crisolites,
Ametistes, jacintes et topazes,
Calcedones, asperes et a faces,
Jaspes, berilz, acates et cristaux,
Plus precieux vous tiens que telz joyaux,
Et touz autres nobles entendemens
Ordinateurs de specieux figmens.

https ://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc37186p

https ://architectura.univ-tours.fr/livres-notice/viator1521/

« A-t-il pu être oublié dans la liste rimée que le chanoine Pèlerin donna en 1521 dans sa Perspective artificielle ? Pour ne pas le croire, je me décide à l’y trouver sous le nom altéré de Jehan Joly. Quelque éloignée que soit cette interprétation, on n’en trouve pas de meilleure ; elle n’a rien d’extraordinaire dans une nomenclature d’artistes beaucoup plus fantasque que celles que nous avons vues, & dont personne n’a donné encore la restitution. »

Jules Renouvier, Jehan de Paris, varlet de chambre et peintre ordinaire des rois, Paris, Auguste Aubry, 1861.

 

 

 

Clément Marot

 

On ne connaît pas précisément l’époque de ce vingt-sixième rondeau : Aux. Amys & sœurs de feu Claude Perreal, Lyonnois. Il est placé, par les éditeurs, de 1525 à 1529. M. de Laborde, qui l’a cité dans La Renaissance, a déjà remarqué qu’il ne pouvait s’appliquer qu’à Jehan Perreal, & que le prénom de Claude n’était qu’une faute de copiste.

 

Aux Amys, et Sœurs de feu Claude Perreal, Lyonnoys

En grand regret, si pitié vous remord,
Pleurez l’Amy Perreal, qui est mort,
Vous ses Amys : chascun prenne sa plume :
La mienne est preste, et bon desir l’alume
A deplorer (de sa part) telle mort.
Et vous ses Sœurs, dont maint [beau] Tableau sort,
Paindre vous fault, pleurantes son grief fort
Pres de la Tombe, en laquelle on l’inhume
En grand regret.
Regret me blesse, et si sçay bien au fort ;
Qu’il fault ; mourir, et que le desconfort
(Soit court, ou long) n’y sert que d’amertume :
Mais vraye amour, est de telle coustume,
Qu’elle contrainct les Amys plaindre fort
En grand regret.

 

 

 

François Rabelais

 

Donnons ici la parole à François Rabelais dans un extrait de son Pantagruel (1532) : 

 

Résumé du chap. XXX : Les Dipsodes, gouvernés par le roi Anarche, envahissent le pays des Amaurotes, à savoir l'Utopie sur lequel règne Gargantua. Pantagruel part donc en guerre. Lui et ses compagnons triomphent de leurs ennemis par des ruses invraisemblables : piège de cordes pour faire chuter les 660 cavaliers, livraison d'euphorbe et de " coccognide " pour assoiffer l'ennemi contraint de boire. Peu après, Pantagruel triomphe de Loup Garou et de trois cents géants. Epistémon (dont le nom signifie " celui qui sait, qui est instruit, qui a de l'expérience ", soigné après une décapitation, raconte son séjour aux Enfers, où toute la hiérarchie terrestre est inversée. Les combats terminés, Pantagruel prend possession des terres des Dipsodes. 

 

Titre du passage : " Comment Epistemon, qui avoit la couppe testée, fut guery habilement par Panurge et des nouvelles des diables et des damnés. "

 

Le pape Jules, crieur de petits pastis ; mais il ne portoit plus sa grande et bougrisque barbe.
Jean de Paris estoit gresseur de bottes.
Artus de Bretaigne, degresseur de bonnetz.
Perceforest porteur de coustrets.
Boniface pape huitiesme estoit escumeur de marmites.
Nicolas pape tiers estoit papetier.
Le pape Alexandre estoit preneur de ratz.
Le pape Sixte, gresseur de vérole.

http://www.mediterranees.net/mythes/enfers/catabases/pantagruel.html

Est-ce notre Jean Perréal ou est-ce l'auteur du Roman de Jehan de Paris qu’Abel Lefranc et Lynette Muir reconnaissent en Pierre Sala ?

Abel Lefranc, " Recherches sur l'auteur de Jean de Paris ", Académie des inscriptions et belles-lettres. Comptes rendus des séances, 1941, p. 117-140.

http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1941_num_85_2_77404


Lynette Muir, " Pierre Sala and the Romance of Jean de Paris ", French Studies, 14:3, 1960, p. 232-234.